A Contre-Pied Éditions Poésies Jardin de mon enfance

Jardin de mon enfance

Trottinant sur le sentier circulaire
Ombragé du Parc Bordelais
La fraîcheur et sa brise matinale
Régénèrent ce corridor végétal
Et ses petits résidents.

Mon corps déroule ses enjambées,
Quand mon esprit calme et apaise
Mon coeur accéléré par ces foulées.
Les pensées circulent dans ma tête
Cheminent en boucles mentales

Ce jardin public atemporel.
Ô balade, un temps pour elle.

Des générations d’enfants,
D’adolescents, d’adultes puis
De vieux se promènent et se
Ressourcent dans cette nature
Éternellement renouvelée.

Elle s’offre à chacun de nous en silence
Et donne selon nos propres besoins.

Ce Havre de vie où l’on se retrouve
En soi et hors de soi dans un aller-retour
D’observations de cette nature
Qui nous entoure et de celle enfouie
Au coeur de nous-même et nous parle.

Ce plaisir, cette dégustation de l’instant,
Où le temps montre ses échelles variées
Au travers de ces arbres immenses,
Qui ont connu l’époque des calèches
Des hauts de forme et des ombrelles.

En deux jours de tempête en 1999
Dévastant le pays,
Des millions d’arbres,
Des multicentenaires aux essences rares
Trônant dans des lieux prestigieux
Sublimant une aura transcendée,
Sont tombés, terrassés, amputés.

Ce deuil terrible au coeur des hommes,
Cette déchirure des paysages,
Marque encore ces lieux par l’absence
Des arbres les plus magistraux

Ô mon parc
Où sont tes mélèzes géants,
Tes cèdres de l’Himalaya,
Dans lesquels je grimpais enfant
Et voyais un horizon élevé et magique
Me donnant un sentiment de puissance ?

Ils étaient mes amis protecteurs,
Mes grands frères, je les remerciais
Les serrais dans mes bras
L’oreille collée au tronc, j’écoutais.
Je ressentais une force souveraine
Sortant de terre, massive en son tronc
Diffuse par les branches vers le ciel.

Puis, cette énergie circulaire, renvoyée
Vers la terre au travers de l’ombre
Apaisante et rafraîchissante
Créant un “micro-climat”, un lieu de vie
Où ses habitants enfantent et cohabitent.

Ce cycle de vie, ce coeur battant
Ce réseau sanguin multiplié par
Autant d’arbres, d’entités sylvestres.

Je gambadais dans leur prairie verte
Me roulais dans l’herbe fraîche
Puis m’allongeais face au ciel
Une tige d’herbe entre les dents
Goûtant le suc de sa tige
Je contemplais le ciel.

D’une langueur ravie j’observais
La course des nuages, je voyais
Des personnages au gros nez
Au détour de leurs formes
Se transformant en cheval au galop
S’évaporant en pompons

Je fermais les yeux
Respirais le fond de l’air
Sentais la brise affleurant l’herbe
Et bruissait à mes oreilles
Tant de joie me remplissait

Une douce extase m’endormait
Puis au réveil, un engourdissement
Me prenait, me décrochait du temps
L’ombre et la lumière me rappelaient
L’instant éphémère de la journée.

Je repartais avec l’idée de retour
Le lendemain et ainsi se passaient
Les jours de vacances
Avec mes camarades dans cet espace
Cette aire de jeux.

Autres souvenirs saisonniers où:

L’automne pointait son nez en
Rougissant les feuilles qui tombaient
Par milliers avec le plaisir de marcher,
Se rouler dans ces énormes tas,
Ces tapis, ces matelas de feuilles
Sèches qui craquaient aux oreilles
Sous le poids des pieds, du corps.

De ces énormes flaques d’eau
Où l’on passait au-dessus à vélo
À hauteur de pédales sans se mouiller.
Du vent froid, des jours raccourcis
Annonçant le repos de la nature
Qui se recroqueville.

Enfin l’hiver avec ses belles journées
Froides mais ensoleillées et où
Le matin de Noël tous les enfants
Du parc venaient essayer leurs cadeaux.
Trottinette, vélo, patins, tracteur à tirer…
Bateau télécommandé sur l’étang.
La fierté et l’hésitation,
Sur les visages, d’une maîtrise
En cours de ces nouveaux jeux.

Magie familiale,
Magie de tous ces cycles de vie.
Éternel recommencement égrainé
Par les bruits des oiseaux, des sonnettes
Des pleurs des bébés et des cris de joie
L’amerissage des canards sur le miroir d’eau

Trop rarement la neige recouvrait tout
Étouffant tous les sons, apaisant l’ouïe
Où le vent effleurait nos oreilles attentives

Toujours cette noria de coureurs,
De piétons, de rollers, de skates,
De vélos, de poussettes, de cannes

En toutes saisons,
La boucle est bouclée
Tous cycles de vie,
Toutes élipses de temps
Tout renouveau dans ce parc
Qui tourne en cet univers régi par
Les mêmes lois cycliques

Charles PELISSIER

Autres articles