Grec d’Alexandrie et Brésilien de Paris, cet héritier de Georges Brassens et cet ancien compagnon d’Édith Piaf a mêlé les musiques, les langues et les rencontres pour constituer une œuvre plurielle et heureuse.
Youssef Mustacchi naît en 1934 à Alexandrie, en Égypte. Ses parents sont des Juifs grecs natifs de l’île de Corfou et ils l’appellent Giuseppe. Car la famille parle italien, pour des raisons de commodité ancienne : chez ses grands-parents, on croyait une de ses tantes muettes jusqu’à ce qu’elle se mette, au milieu de l’enfance, à converser avec des voisins italiens ; alors les Mustacchi s’étaient mis à tous parler cette langue.
Plus tard, les parents de Giiuseppe ne conservent le grec que pour dire ce que ne doivent pas entendre les enfants. Dans la rue, à Alexandrie, on parle arabe. A l’école, on parle anglais et français ; sa mère devise avec des voisins en espagnol.
Son père tient une grande librairie et l’essentiel de son fond est français. Quand survient la guerre et les alertes aériennes, tout le monde descend dans la cave du magasin où le petit garçon et ses grandes soeurs passent des heures à dévorer des livres en français.
Au lycée français d’Alexandrie, Youssef-Giuseppe est devenu Joseph puis tout simplement Jo. Il part à Paris après le bac, à dix-sept ans, en 1951. Il entre immédiatement en bohème, notamment dans le sillage de son beau-frère Jean-Pierre Rosnay, poète et ami de Georges Brassens dont il édite le roman “La tour des miracles”. Le jeune Jo écrit ses premières chansons qui sont montrées à Brassens dont l’étoile commence à monter. Encouragement du maître ; le jeune homme s’appellera dès lors Georges, Georges Moustaki.
Le juif grec d’Egypte tombe amoureux de Paris. Il vivra plusieurs décennies dans le coeur absolu de la ville, dans un appartement sous les toits dans l’île Saint-Louis.
ll promène sa voix grave et ses quelques chansons dans les cabarets de la rive gauche.
Un jour de 1958, le guitariste Henri Crolla l’emmène chez Edit Piaf. La plus populaire chanteuse française a dix-neuf ans de plus que lui et une trentaine de centimètres de moins.
C’est le coup de foudre. Ils vont vivre un an de vie commune pendant lequel il apprend énormément, et notamment à ne pas trop mettre dans une chanson, à être économe de mots, à ne pas chercher à trop en dire.
Il écrira “Milord”, Edith Piaf prend la chanson de son amoureux et lui fera faire le tour du monde. Mais lui-même prend le large, supportant mal d’être le nouveau petit jeune propulsé vers les sommets par la Môme, et encore plus mal le mode de vie déréglé qu’elle impose à tout son entourage.
Moustaki n’est plus grand chose. pour le métier, il ne compte plus vraiment sans sa puissante protectrice. Il enregistre quelques disques sans relief commercial, place des chansons auprès d’autres interprètes sans réussir à faire décoller sa carrière.
Ayant donné “La longue dame brune” à Barbara, sur laquelle il chante en duo avec elle, il l’accompagne en tournée. C’est ainsi qu’au pied levé, un soir de 1968, à Mulhouse, il remplace la chanteuse, victime d’un malaise, pour tout un tour de chant. Ce sont ses débuts sur une grande scène.
Il découvre que cela lui plaît vraiment. Il croit en une possible chance, et y croit d’autant mieux que Serge Reggiani emporte plusieurs succès avec des chansons qu’il a écrites et composées. En 1969, Georges Moustaki se décide à enregistrer un 33 tours “sérieusement” Celui-ci contient “Le Métèque”, “Ma solitude”, “Joseph”, “Il est trop tard”, “Le temps de vivre”
Le succès du “Métèque” lance sa carrière à un âge où la gloire ne peut plus lui tourner la tête. Mais être un artiste célèbre et respecté est pour Georges Moustaki un extraordinaire passeport.
Sa passion du voyage et des rencontres est telle que, de disque en disque, de tournée en tournée, il mêle à sa musique le Brési.l, la Grèce, la pop music, l’Amérique hispanique, l’Orient…
Il joue avec des musiciens qu’il admire, se fait des amis sur tous les continents. Au total, il aura écrit des chansons avec Edit Piaf, Marguerite Monnot, Barbara, Vinicius de Moraes, Antonio Carlos Jobim, Chico Buarque, Caetono Veloso, Astor Piazzolla, Mikis Theodorakis, Manos Hadjidakis, Catherine Lara.
Célébrant la paix, les plaisirs, la simplicité de la vie, il lance ses chansons comme des souvenirs d’instants de vie exceptionnels : Bahia après sa rencontre avec l’écrivain Jorge Amado et une ville où il gardera des attaches durables, “Les Eaux de Mars” quant le compositeur Antonio Carlos Jobim lui demande de porter sa chanson aux Français. “Déclaration” après qu’une spectatrice d’un concert lui a demandé d’écrire un texte commençant par “Je déclare l’état de bonheur permanent”, “Heureusement qu’il y a de l’herbe” (avec Marcel Azzola, Richard Galliano et Joe Rossi, l’aristocratie de l’accordéon) parce que Coluche lui a demandé quelques conseils sur la manière de faire pousser du cannabis en pot.
Célébrant la paix, les plaisirs, la simplicité de la vie, il lance ses chansons comme des souvenirs d’instants de vie exceptionnels : Bahia après sa rencontre aevec l’écrivain Jorge Amado et une ville où il gardera des attaches durables, “Les Eaux de Mars” quant le compositeur Antonio Carlos Jobim lui demande de porter sa chanson aux Français. “Déclaration” après qu’une spectatrice d’un concert lui a demandé d’écrire un texte commençant par “Je déclare l’état de bonheur permanent”, “Heureusement qu’il y a de l’herbe” (avec Marcel Azzola, Richard Galliano et Joe Rossi, l’aristocratie de l’accordéon) parce que Coluche lui a demandé quelques conseils sur la manière de faire pousser du cannabis en pot.
Il ne cesse de chanter, de sillonner la France et le monde. Il parle une demi-douzaine de langues, se décidant sur le tard à apprendre le grec de ses ancêtres et l’hébreu d’une terre d’Israël pour la paix de laquelle il milite avec ferveur et constance.Il apprend partout des rythmes, des instruments, des usages.
Plus qu’aucun autre chanteur français, Moustaki connaît les attaques d’une multitude de censures. La “Marche de Sacco et Vanzetti” est interdite en Corée du Sud. Mais quand il va y chanter, personne ne songe à le prévenir et le producteur du concert doit payer une énorme amende parce qu’il interprète un titre censuré.
“Joseph” est interdit en Italie et en Espagne franquiste, qu’il écrit dans “Flamenco” en 1975.
Le doux et pacifique Georges Moustaki peut se laisser aller à des emportements politiques, comme en 1974, lorsqu’il enregistre une chanson d’amour singulière, “Sans la nommer”
Et ces chansons dans lesquelles il ose s’arracher à la douceur amoureuse rehausse la tendresse et la quiétude de chansons offertes à des femmes dont l’on devine qu’elles sont réelles.Son étoile ne va jamais pâlir, même si Moustaki déteste le tapage des sorties d’albums, des tournées lourdement promotionnées et du show-business ordinaire.
Faux paresseux, également peintre, écrivain et grand joueur de tennis de table, il tisse dix vies en une heureuse vie d’artiste.
Pour des millions de français, sa disparition en 2013, à soixante-dix-neuf-ans, est celle d’un ami cher, qui laisse derrière lui des chansons heureuses et profondes, comme une conversation sur l’art d’aimer et d’être libre.
GEORGES MOUSTAKI ;
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