Mort en 1978, oublié du grand public, Joseph DELTEIL n’est désormais vraiment lu que par une petite phalange de fervents et d’enthousiasmes.
Depuis une trentaine d’années, le grand Joseph DELTEIL a presque disparu des bibliothèques et les histoires de la littérature, quand elles ne taisent pas son nom, ne lui accordent que quelques lignes, évoquant seulement la vogue de Delteil au milieu des années 20 ou son bref compagnonnage avec le groupe surréaliste.
Son oeuvre est un jardin somptueux où se cultivent des fruits devenus trop rares et dont nous avions parfois oublié le goût.
On croise dans ce jardin fécond des êtres qui ont été malheureusement chassés de nos romans contemporains.
Joseph Delteil est né le 20 avril 1894 à Villar-en Val dans l’Aude.
Son père, Jean-Baptiste Delteil, est bous cassier, c’est-à-dire “homme des bois”, à la fois bûcheron et charbonnier, sans doute aussi un peu braconnier.
Ce paternelle est pour le futur romancier, le grand initiateur aux mystères de la forêt, et un exemple de liberté sauvage.
Sa mère,née Madeleine Sarda, n’apprendra jamais à lire et ne prendra donc jamais connaissance des livres de son fils. Elle parle au jeune Delteil en langue d’OC et lui transmet les légendes et les rites de ce vieux pays cathare.
C’est une femme austère, religieuse, rigoureuse dans la vertu et le labeur.
Joseph Delteil est certes enraciné dans cette Occitanie fière et farouche, il aima toujours se présenter en sauvage insoumis, en “indien” rétif à la civilisation.
Mais le fils du bous cassier est un élève brillant et vite remarqué par ses maîtres. Il obtient le prix d’excellence en classe de cinquième et poursuit des études secondaires à l’école religieuse Saint-Stanislas de Carcassonne. Le jeune “sauvage” lit aussi beaucoup et écrit ses premiers vers, en langue d’OC puis en français.
Il admire alors Hugo, Lamartine, la grande poésie romantique du XIXème siècle, et, pour les contemporains, Maurice Barrès, Pierre Loti, Joris-Karl Huysmans et Frédéric Mistral.
Il avouera plus tard qu’il dévorait les livres. C’est là encore un trait propre à Delteil, cette voracité dans la connaissance, cette curiosité insatiable, cette soif d’embrasser totalement la vie, la vie des bois.
En 1914, après cette adolescence de lecteur passionné, la première guerre mondiale trouve notre Joseph Delteil mobilité dans le 4ème régiment colonial de Toulon,qui fusionne assez vite avec celui de tirailleurs sénégalais stationné à Saint-Raphaël dans le Var.
Delteil y restera toute la guerre, échappant au massacre. Il appréciera la fréquentation des africains et s’employa sans doute à travailler son style futur, lors de longues journées d’oisiveté.
Il ne connut pas l’expérience du feu et des orages d’acier.
Quelques années avant le conflit mondial le jeune Delteil a publié des sonnets dans des revues confidentielles de son Occitanie natale, et en août 1919, il a fait paraître un premier recueil de vers, “le coeur grec” qui obtint un prix de l’Académie française l’année suivante. Mais la révélation littéraire de Joseph Delteil se fit vraiment au début des années folles, exactement en 1922 où il publie “Sur le fleuve Amour”.Le libre est accueilli avec enthousiasme.
Le jeune Aragon, ébloui, écrit à Joseph Delteil pour lui dire son admiration et fraternisera aveclui.
Pierre-Marc Orlan, André Salmon, Max Jacob et le groupe surréaliste applaudissent le jeun génie occitan.
En 1923, la publication de “Choléra”, intronise encore davantage Joseph Delteil parmi la jeune génération d’écrivains avant-gardistes.
Le jeune écrivain, qui n’a pas encore trente ans, et qui est un parisien depuis 1920 se trouve désormais au coeur de la vie littéraire de son époque.
Compagnon de route des surréalistes, il participe aux séances d’écriture automatique et aux procès parodiques organisés par le groupe.
Il est signataire du tract provocateur “Un cadavre” publié à la mort d’Anatole France en 1924, et tient une rubrique sur l’amour dans “la révolution surréaliste”.
Il mène aussi à Montparnasse la vie trépidante de la bohème de ce temps.
Il goûte aux femmes du monde et du demi-monde, gagne beaucoup d’argent afin de le dilapider somptueusement, découvre le cinéma, le music-hall, la peinture cubiste, le jazz-hot.
Delteil vit pleinement cet âge d’or.
En 1925, le fils du bous cassier rencontre celle qui deviendra sa femme, Caroline DUDLEY.
Fille de la grande bourgeoisie américaine, femme de théâtre, maîtresse de plusieurs écrivains, elle introduit en France la “Revue Nègre”.
Au long des années folles, Delteil ne cesse d’écrire, de publier romans, nouvelles, essais littéraires et scénarios.
Entre 1922 et 1937 il publie une trentaine d’ouvrages dont “Jeanne d’Arc” en 1925.
A la suite de ce livre, Delteil consacrera d’autres essais biographiques à des personnages historiques, auxquels il redonne vie par sa langue et son génie poétique.
En 1937, à cause d’une maladie et aussi par lassitude de la vie parisienne et nostalgie de ses racines paysannes, il quitte la capitale et rompt avec le milieu littéraire. Avec sa femme, il devient propriétaire d’un petit domaine domaine aux abords de Montpellier. Delteil y vivra désormais jusqu’à sa mort en 1978.
En 1947, après un silence de dix ans, paraît “Jésus II”.
En 1960, c’est un “François d’Assise” qui le révèle à un nouveau public.
Il reste un écrivain, un poète. On sent dans ses derniers textes poindre la révolte de son sang et de son âme paysanne devant la grande mue des années 1960. Il n’est pas un homme moderne, et ne peut accepter ce nouveau monde d’autoroutes, de supermarchés et d’urbanisation intensive, dont les bureaucrates gaullistes et pompidoliens sont les zélés promoteurs.
Delteil, s’il n’est jamais militant, appelle souvent à la rupture et à la sédition contre les idoles de l’Industrie et de la Production.
Joseph DELTEIL
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