A Contre-Pied Éditions Une histoire de la chanson française JACQUES CANETTI, LE DECOUVREUR INLASSABLE

JACQUES CANETTI, LE DECOUVREUR INLASSABLE

L’homme qui emmène Serge REGGIANI dans un studio d’enregistrement en ,,1965 a déjà, derrière lui, une des carrières les plus époustouflantes du show-business français.
Dans l’après-midi du 1er septembre 1962, le PDG de Philips reçoit un message manuscrit : Jacques Canetti, le directeur artistique de la première maison de disques française, lui annonce qu’il s’en va. Pourquoi ? A cause de Johnny, des yéyé, d’un “système qui fait de la facilité un principe”comme il l’écrira plus tard dans ses mémoires.
Pour le show-business français, c’est un coup de tonnerre. Canetti est un des hommes les plus importants du métier et il fait savoir qu’il refuse que la maison dont il a construit et dirigé le catalogue depuis quinze ans se tourne vers le rock’n’roll et les idoles adolescentes. Mais, de manière plus intime, Canetti veut surtout continuer à aborder la musique comme il l’a toujours abordée, avec la passion pour “la recherche et le risque”, selon son expression.
Il est vrai que sa carrière donne le vertige. Juif séfarade né en Bulgarie en 1909, frère cadet du futur prix Nobel de littérature Elias Canetti, il est entré comme coursier dans la maison de disques Polydor et a signé son premier coup d’éclat dans le métier, en 1930, en convaincant Marlène Dietrich, de passage à Paris, d’en profiter pour enregistrer pour le marché français.
Très vite, il se rend indispensable à son entreprise mais aussi à Radio-Cité, la première radio française moderne. Il y fait débuter Charles Trénet tout en enregistrant les premiers disques d’Edith Piaf et en organisant les premières tournées françaises de Duke Ellington ou Louis Armstrong…
Après-guerre, il a carte blanche pour constituer le catalogue français de Philips, qui a racheté Polydor : Patachou, Les Frères Jacques, Henri Salvador, Armand Mestral, Dario Moreno, Robert Lamoureux, Francis Lemarque, André Claveau, Juliette Gréco, Georges Brassens, Jacques Brel, Catherine Sauvage, Jacqueline François, Guy Béart, Philippe Clay, Boris Vian, Boby Lapointe, Ricet Barriet, Serge Gainsbourg, Barbara, Claude Nougaro… Il serait plus simple de faire la liste des grands artistes que Canetti n’a pas signés ! Il propose des chansons à ses artistes, leur fait rencontrer auteurs et compositeurs, les met entre les mains d’arrangeurs qu’il incite à aller toujours plus loin dans l’invention (Michel Legrand, André Popp, Alain Goraguer, François Rauber, Jean-Michel Defaye…) En outre, il organise des tournées de concerts de variétés dans toute la France et dirige le cabaret Les Trois Baudets, qui propose le meilleur programme de chanson et d’humour à Paris.
A 53 ans, il admet volontiers n’avoir aucun plaisir à travailler avec des artistes comme Johnny Halliday et il préfère tenter une nouvelle aventure. Il crée les Productions Jacques Canetti, un des premiers labels indépendants français. Son contrat chez Philips lui interdisant, en cas de rupture, de travailler avec ses anciens artistes, il va devoir “inventer” des chanteurs. C’est ainsi qu’il convainc Serge Reggiani de se mettre à la chanson, qu’il emmène Jeanne Moreau en studio après le succès du Tourbillon dans le film “Jules et Jim” ou découvre des débutants du nom de Jacques Higelin ou Brigitte Fontaine….

Autres articles