SEPTEMBRE à Bordeaux fut décidément dédié aux Arts. Les journées du patrimoine ont pris la suite d’Agora. L’Architecture était encore à l’honneur sur les hauteurs de Floirac, où une incroyable maison bourgeoise attendait des visiteurs heureux de s’être inscrit à temps, car elle ne se visite que durant les journées du patrimoine.
La maison familiale de Jean François et Hélène Lemoine est construite sur une colline qui domine le confluent de la Garonne et de la Dordogne. Maison organisée en quatre parties:la cours d’accès, le patio entre la zone de réception et celle de service, la partie mobile, et la partie habitation qui divise la partie parentale de celle des enfants, qui a été conçue par l’architecte hollandais Rem Koolhaas, en collaboration avec l’ingénieur Cécile Balmond.
Considérée comme une œuvre d’art par le Ministère de la Culture, qui, dès 2002, l’inscrivait sur la liste du Patrimoine architectural. Jean François Lemoine désirait une maison qui raconte la complexité et l’incertitude de celui qui est contraint à regarder le monde avec une hauteur différente et à se mouvoir mécaniquement « la maison devra désormais définir mon univers » (Domus, 1999), et dans le même temps l’aider dans le songe de se libérer de ce véhicule qui le contraint. Rem Koolhaas fit de ce désir l’occasion d’un projet qui devint une figure emblématique, non seulement des années 90 mais plus généralement de la vie et du corps contemporain en relation avec l’espace de l’électronique dans lequel les mouvements de chaque corps avancent en liberté.
15h45 : personne ne manque à l’appel. Les visiteurs sont un bon cru à en croire le guide d’Arc en Rêve de ce dimanche après-midi qui se félicite du sérieux de notre groupe, qui comptait déjà quelques participants d’Agora 2014: Jofo pour ne pas le citer, des vendeurs de chez Mollat et leurs épouses, des profs, des architectes d’Arc en Rêve. Bref un rêve.
L’an dernier à la même époque le temps était pourtant moins clément, durant la visite, une dame dont on ignore l’âge n’avait pu s’empêcher de se jeter dans le bassin de nage de monsieur Lemoine.
Dans quelle mesure cet acte était-il une provocation gratuite ? Peut-être était-ce une étudiante en art pensant à son futur diplôme ou bien encore un artiste en devenir pensant par-là se faire un nom. Rien de tout cela avec nous,si ce n’est que cette maison, pensée pour un homme handicapé, n’a pu empêcher la chute d’une des visiteuses.
La plateforme (cœur mécanique de la maison) placée au RDC dans la cuisine sert de lift pour un fauteuil roulant et permet l’accès à l’espace mobile de travail et de détente.
Cependant, lorsque la plateforme est au premier étage comme dans une cage d’ascenseur, un vide se fait et cette visiteuse est tombée dans ce vide pensant qu’il était recouvert d’une plaque transparente. Pour une maison ’’secure’’,les pièges ne manquaient pas,bien au contraire. Aucun garde-corps sur la terrasse ou sur les fenêtres des chambres d’enfants , situées pourtant à l’opposé de la partie parentale.
Beau mais peu sécurisant en somme.
A l’étage,des livres d’art disposés çà et là comme une mise en scène de crime dans un film d’Hitchcock, ou pour une séance photos d’un magazine Marie Claire Maison. Ainsi, qu’un courrier récent venant du journal Sud-Ouest prouvant que la maison était encore habitée par les Lemoine dont le propriétaire était l’ancien directeur du même journal.
Dans la salle de bain, une ordonnance datant de quelques mois prouvait qu’avant l’été, la propriétaire de la maison avait eu besoin de soins sans gravité.
Dans la chambre, des écouteurs colorés pour enfants décoraient une statuette de type pré-Colombienne, preuve que les propriétaires avaient aussi de l’humour.
Pourtant, au-delà de la beauté du lieu et de la douce sérénité qui s’en dégage particulièrement grâce à la partie salon, ouverte sur le ciel et la nature, ainsi qu’un côté à la Tati dans mon oncle, dont la maison semblait inspirée par endroit, la maison était presque austère,dépouillée comme peuvent l’être des tableaux de Vermeer.
Cela manquait un peu de vie, de chaleur, presque de foutoir.
Ce que certains visiteurs ne se sont pas privés de se dire en aparté sur le chemin du retour, une fois la visite terminée qui les ramenait à leur véhicule respectif.
Un sentiment partagé (non pas pour le foutoir) par Guadalupe Alcedo, la gouvernante de la maison, (présente lors de notre visite), protagoniste du film/documentaire Koolhaas Houselife tourné par Beka et Louise Lemoine qui raconte la maison conçue par Rem Koolhaas, et qui engage une véritable bataille contre cette architecture jugée par elle inhabitable bien qu’affectueusement liée à elle.
Rem Koolhaas et la Maison Lemoine à Bordeaux
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