Le roi

C’est à la clémence qu’un bon roi se reconnaît.
Le roi doit vivre dans le ventre mou de ses sujets.
Le roi doit aussi vivre sous la sueur du soleil :
Quand ses sujets ces perles de sueur en cristal cueillent
Dans la tasse de café, de thé chauds et sucrés.
Le roi n’oublie jamais ses sujets sous ombrage.
Le roi revient, quel que puisse être l’éloignement du forage ;
Le roi revient, sans boire, aucune goutte, d’un seul trait,

À moins qu’il n’amène une cruche d’eau aux plus souffrants.
Le roi guide à la source, pour que chacun s’abreuve
Pour les deux demeures, à l’embouchure du fleuve,
À la mesure de sa panse. Ô l’abandon est délivrant !
Comme cet oiseau qui sort, au matin, de son nid,
Le ventre creux, et retourne, au soir, le ventre plein de mie.
Le palmier, de prime abord, offre son vent au plus près :
Le roi est celui qui est roi d’abord dans son palais.

Avant qu’au loin on se délecte de sa vive verve.
Tout compte fait, le roi doit empêcher les vaches maigres
De dévorer les sept autres vaches grasses qu’il élève.
Avant que les épis secs ne s’en prennent aux épis verts.
Le roi est celui qui fait la toute petite guerre,
Pour que chaque âme puisse mener la toute grande guerre,
Sans laquelle la délivrance ne serait permise.
La paix de bout à bout à qui veut la délivrance !

Le roi doit donc être le remède aux maladies ;
Comme il doit être au bout des lèvres toutes ébahies.
Le bon roi est le pêcheur, la nasse des poissons,
La pirogue qui vogue en mer houleuse, la mousson.
Il est la belle récolte, une moisson de lauriers.
Le roi doit être le forgeron, le fer, le feu.
Il doit être le marteau et l’enclume et l’entre-deux.
Le roi sait tout ce qui se passe dans les terriers.

Le roi est à la terre ce que cœur est à l’être.
Le roi jette ses enfants, ses oncles dans l’ignorance
Et guide, dans l’arche, à la lumière, les enfants des autres
À la terre promise, sans larmes, sans aucune souffrance.
Le roi gracie les esclaves dans la soumission,
La belle qui plus est, au dieu du roi du royaume,
Qui libère des contraintes, qui libère de la soumission.
Plus on est près du feu, plus les corps se consument.

Et ne subsistent alors que les cendres, oui que cendre !
Le roi est la cendre éparpillée dans l’eau qu’ils boivent,
Dans le bout de pain ; de l’arbre il est la sève.
Le nom que le muet prononce et qu’entend le sourd,
Que la nature chante dans le silence de l’aleph !
Car, sans aucun doute, aleph est le roi de beth.
Le roi est le soleil levant que l’aveugle voit.
Il est à la guerre et à la tête du convoi.

J’ai vu le roi des mondes chevaucher Al Bouraq
Aux allures envoûtantes, fendre les cieux, tel un éclair,
Et revenir avec la prière, pour que le diable abdique.
L’adoration porte les âmes à la zone polaire :
Symbole d’élévation à l’esprit immaculé !
Que de miracles sous l’ombre de la vérité !
Dieu insuffle, dans la foi des pieux, la certitude.
Ô la foi ouvre les portes à la belle servitude !

L’union des deux trônes, en un poing, est gage d’ascension ;
Celle du ciel et de la terre dans une même nation.
La terre au service du ciel : tout va bon train.
La pluie abonde comme les vers suivants dans un quatrain.
Qu’enfin Pharaon serve le Dieu d’Assya et de Mùsa !
Le roi n’est jamais absent : il a des Amirs.
Car il brillera par la connaissance des émirs,
Telles les étoiles dans le ciel semées çà et là.

Cheikh Béthio Ndiaye
1er janvier 2014
Bordeaux

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