Avant de savoir.

« Antisocial, crâne rasé, je suis un skin, crâne rasé, je suis un skin. Tu peux me regarder. Je suis beau, je suis laid, mais je suis ».


« Tu es qui toi ? » pense le jeune homme pâle aux cheveux tombés.
« Antisocial, marginal, mais non, tu n’as rien compris. Dans la folie de ton adolescence, tu ne vois même pas que tu n’as point l’identité voulue.
Moi j’en ai une. Lourde à porter, la vie me l’a donnée »
« As-tu une chimiothérapie ? Regarde ma tête, si j’ôte mon foulard ou sors mon bonnet, crâne nu. C’est laid, tu sais. Je le cache, je me sens vieux. Je lutte contre ce cancer. Sais-tu ce qu’on appelle cancer ? Cancer, ou Sida.
« Antisocial, le résultat est le même. Tu vois nous deux, nous sommes deux crânes rasés.

Tu dis « Moi, avec mon crâne rasé, je peux me battre, ils ne me tireront pas les cheveux. Ce n’est pas si douloureux de se faire tirer les cheveux. Avant, oui, je l’avais mauvaise. Aujourd’hui, ils tombent trop vite et cela fait vraiment mal d’avoir une seringue dans la moêlle épinière »

« Ne pleure pas, ne rougis pas skin, en te voyant ainsi défait, on pourrait penser que tu sors d’une chimio. Pourquoi, pourquoi cette identité ? Jamais, je ne la voudrais. Je la vis. Tu vois, je parle avec toi crâne rasé.
Comme je regrette mes boucles! Les cheveux sont beaux même s’ils semblent laids. Je regrette le temps où la pluie me les collait au visage Je riais. Quand je me faisais un shampoing, je sentais ces boucles avec la mousse. Je sentais mes mains les toucher, les peigner. Et quand la fille qui m’aimait, caressait ma petite toison, je ne peux t’expliquer la sensualité de ses doigts et mon regard fou sur ses cheveux défaits qui tombaient majestueusement sur ses épaules.
Aujourd’hui, la sensualité a disparu. Je promène ma main sur ce crâne chauve. Je sens comme une terre lisse qui, un jour, craquera comme le sable du désert sous le soleil. Parfois, un rêve, une illusion quand mes doigts touchent un duvet qui repousse.
Ne t’en fais pas. Je lutte, je lutte pour retrouver quelques poils dans le temps. Même blancs, je les sublimerai par des larmes de joie, une sensation toute neuve d’un toucher perdu.

Tu pleures, skin… Excuse moi, j’ai trop parlé… C’est moi le révolutionnaire, maintenant. Mais, laisse tes cheveux, prends ma main. J’ai trouvé un copain qui a compris que détester ne sert à rien. Aimer est plus joli.
Tu souris en tenant ma main.
« Fais passer le message, fais passer… »

Jean-Luc Pageon

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